L’essentiel Le nombre des personnes de plus de 85 ans va presque quadrupler d’ici à 2050.
25 % des dépenses des personnes âgées en perte d’autonomie ne sont pas financés par les aides publiques.
À partir de 60 ans, 3 ménages sur 4 sont propriétaires d’au moins un bien immobilier. Diverses modalités sont envisagées pour rendre « liquide » et disponible le patrimoine immobilier des seniors.
Les personnes de 60 ans ou plus sont aujourd’hui 15 millions. Elles seront près de 19 millions en 2025 et près de 24 millions en 2060. Le nombre des personnes de plus de 85 ans va presque quadrupler d’ici à 2050. Une part croissante de cette population âgée se trouve dans une situation dite de perte d’autonomie.
Dans une note récente, le conseil d’analyse économique (CAE) évalue le coût engendré par la dépendance pour les soins, l’hébergement et l’aide informelle entre 41 et 45 milliards d’euros.
Cette évolution pose la question de la répartition de l’effort de financement entre, d’une part, la contribution privée et d’autre part, l’effort public.
Diverses pistes sont explorées pour affronter le coût de la dépendance. La mobilisation du patrimoine immobilier des personnes âgées pourrait en constituer une.
Poids de la dépense liée à la perte d’autonomie.
Les dépenses prises en charge par les personnes âgées en situation de perte d’autonomie bénéficiaires de l’aide aux personnes âgées (APA) s’établissent en 2011 à 28,3 milliards d’euros, dont 25 % ne sont pas financés par les allocations ou aides publiques.
Pour la majorité des personnes dépendantes (55 % des bénéficiaires de l’APA) qui vit aujourd’hui à domicile, le reste à charge déduction faite des aides (y compris fiscales) s’établit à 80 € par mois en moyenne sur les dépenses inscrites dans les plans d’aide personnalisés.
De plus, il convient d’ajouter les dépenses liées à l’adaptation du logement qui, selon l’état du logement et le niveau de perte d’autonomie de la personne, peuvent s’avérer lourdes.
S’agissant des personnes en résidence, déduction faite des aides publiques, 10,5 milliards d’euros sont payés par les résidents, dont 9,5 milliards d’euros pour les frais d’hébergement et 1 milliard d’euros pour les frais liés à la dépendance. Le reste à charge moyen des résidents serait ainsi de 1 738 € par mois, avant prise en compte de l’hébergement.
Le montant non négligeable des restes à charge et l’affaiblissement prévisible des solidarités familiales rendent nécessaire la recherche de solutions complémentaires.
Caractère essentiellement immobilier du patrimoine des personnes âgées.
Si le revenu diminue avec l’arrivée à la retraite (les retraités avaient ainsi en 2011 un revenu moyen annuel de 23 590 €, contre 25 540 € pour les actifs occupés), cette période de la vie correspond en revanche à celle où le patrimoine est le plus élevé.
Taux de détention du patrimoine immobilier en 2010 (en %) :
Moins de 30 ans
| Résidence principale : 12,8 % Autre logement : 5,6 % Patrimoine immobilier : 16,7 % |
30 à 39 ans
| Résidence principale : 14,6 % Autre logement : 10,6 % Patrimoine immobilier : 50,3 % |
40 à 49 ans
| Résidence principale : 58,5 % Autre logement : 17,7 % Patrimoine immobilier : 63,4 % |
50 à 59 ans
| Résidence principale : 68,2 % Autre logement : 26,6 % Patrimoine immobilier : 72,5 % |
60 à 69 ans
| Résidence principale : 71,9 % Autre logement : 28,2 % Patrimoine immobilier : 76,2 % |
70 ans et plus
| Résidence principale : 72,6 % Autre logement : 18,6 % Patrimoine immobilier : 74,8 |
Source : INSEE, enquête patrimoine 2010
Les seniors propriétaires sont, en outre, largement libérés de leur remboursement d’emprunt (65 % des ménages de plus de 65 ans).
Ce patrimoine ne se limite pas à la résidence principale : la détention d’un autre logement atteint son maximum entre 60 et 69 ans avec plus de 28 % de la tranche d’âge concernée.
Une partie de ce patrimoine immobilier engendre des revenus locatifs qui viennent compléter les pensions des retraités. Environ 46 % des bailleurs privés sont ainsi retraités ou inactifs.
Dans ce contexte, la tentation est forte, pour les pouvoirs publics, d’utiliser ce patrimoine pour participer à la dépense liée au vieillissement.
Dispositifs visant à « liquider » le patrimoine immobilier.
Les modalités permettant de rendre « liquide » le patrimoine immobilier possédé par les seniors reposent essentiellement sur le viager qui retrouve un certain regain d’intérêt avec l’augmentation des prix de l’immobilier.
Le viager immobilier.
Le viager immobilier est la forme la plus connue et est une quasi-spécificité française. Le vendeur, ou crédirentier, conserve la possibilité d’y rester vivre (viager occupé), mais le bien peut aussi être libéré (viager libre).
Cette formule, intéressante pour le vendeur ou crédirentier, comporte cependant un aléa important lié à sa durée de vie. C’est sans doute une des raisons de son manque d’attractivité : selon une note du crédit foncier, les spécialistes évaluent à environ 3 000, soit 0,4 % de l’ensemble des transactions concernant les logements anciens, le nombre de ventes annuelles en viager. Il existerait en réalité 3 à 4 fois plus de mises en vente, l’essentiel ne trouvant pas d’acquéreurs.
Le viager financier.
Une compagnie d’assurance verse en contrepartie du capital une somme d’argent sous forme de rente viagère jusqu’au décès du vendeur du bien. En cas de décès, le capital est perdu sauf clause de réversion prévue dans le contrat.
Les fonds viagers mutualisés. Sont apparues plus récemment les formules qui permettent de lisser l’aléa individuel lié à la longévité du vendeur à travers une mutualisation des biens.
C’est l’objectif des fonds viagers. La CDC a ainsi créé en septembre 2014 avec d’autres investisseurs institutionnels, Certivia, fonds dédié à l’acquisition et à la gestion de biens immobiliers en viager.
Le prêt viager hypothécaire.
Créé en 2007 par le Crédit foncier à la demande de l’État, sur le modèle du « reverse mortgage » anglo-saxon, ce prêt consiste à monétiser une partie de la valeur de son bien contre une hypothèque.
En pratique, le propriétaire, qui doit être âgé de plus 65 ans, se voit accorder un prêt sans charge périodique de remboursement en apportant en garantie son bien immobilier. Le remboursement se fait au moment de la succession, lors de la vente du logement ou du rachat par les enfants. Le dispositif est à tout moment réversible en remboursant le prêt.
Le prêt viager hypothécaire présente une limite, qui est le niveau très élevé des taux d’intérêt pratiqués (8 %). De fait ce produit reste encore confidentiel, de l’ordre de 1000 prêts par an.
Vers un viager HLM.
La CDC réfléchit, avec l’Union sociale pour l’habitat, à un « viager HLM ». Le dispositif, déjà expérimenté à Paris, consisterait à permettre aux organismes HLM d’acquérir en viager des biens immobiliers et de les récupérer ensuite dans leur patrimoine sous forme de logements locatifs sociaux.
Pourquoi pas un prêt dépendance.
L’idée d’un prêt dépendance découle des limites du viager. Cette piste consiste à accorder un prêt, assis sur la valeur de son patrimoine immobilier, à une personne en situation de dépendance avérée ; la durée de vie ainsi limitée de l’emprunteur diminuerait le risque que la dette dépasse le prix de vente du bien et permettrait à la banque d’offrir des taux moins élevés (4 % selon les experts).
En cas de départ de la personne dépendante en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EPAHD), ce prêt pourrait servir de prêt relais avant la vente du logement par la famille, selon un délai fixé à l’avance autorisant des taux d’intérêt encore plus bas. Comme le prêt viager hypothécaire, ce prêt serait réversible, la famille pouvant anticiper le remboursement en cas de disparition de la personne âgée.