Le conseil patrimonial sur la sellette ?
Les députés ont adopté en première lecture de la loi de finances pour 2019, contre l’avis du gouvernement, un amendement visant à étendre l’abus de droit aux opérations dont la motivation serait principalement et non plus seulement exclusivement fiscale.
Cette initiative n’est pas nouvelle.
En 2013, les parlementaires avaient eu cette volonté, mais elle subit alors la censure du Conseil constitutionnel.
Afin d’éviter un nouveau désaveu, il est proposé de créer un abus de droit « à deux étages » : au dispositif existant, qui sanctionne de la majoration de 40 % ou 80 % les actes dont la motivation fiscale est exclusive, s’ajouterait un second dispositif, qui permettrait à l’Administration d’écarter, mais sans appliquer la pénalité spécifique, les actes qui auraient pour « motif principal d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ».
Le « motif principal » fait glisser l’abus de droit vers une conception subjective, exigeant de rechercher les motifs du contribuable et de déterminer lequel a été le principal. C’est dire qu’entre deux opérations produisant les mêmes effets juridiques ou économiques mais dont l’une est moins imposée que l’autre, le choix de l’opération moins imposée aura inévitablement pour but principal d’atténuer la charge fiscale.
Dans cette logique, toute habileté fiscale serait abusive.
Par exemple, dira-t-on, demain, que l’opération de donation ou d’apport avant cession est nécessairement abusive ? Ce serait un véritable coup porté au conseil patrimonial, déjà mis à mal par la récente loi relative à la lutte contre la fraude.
Ce dispositif, s’il devait être définitivement adopté par le Parlement et validé par le Conseil constitutionnel, serait une erreur de politique juridique.
Les contribuables ont besoin de prévisibilité et de sécurité juridique.
Or, il est évident que ce nouveau dispositif serait le terreau de suspicions à leur endroit et multiplierait les contentieux.
À l’heure où l’on souhaite éviter l’exil fiscal, encourager les investissements étrangers en France, mieux vaudrait instaurer le paradigme de la confiance plutôt que celui de la défiance.
Source : Defrenois, 29 novembre 2018