CIV 1° 9 avril 2015, FS – P + B n° 14 – 13.501
Intérêt pour l’agent immobilier :
La décision du 9 avril dernier n’est pas originale, mais elle précise et combat beaucoup d’idées reçues. L’agent immobilier doit « oser » établir une rémunération vendeur ET une rémunération acquéreur. Le montant des deux rémunérations reste un choix politique et commercial de l’entreprise, mais la jurisprudence en confirme la possibilité, par une décision de CASSATION, nette et précise.
FAITS
Mandat de vente confié à un agent immobilier, pour un prix net vendeur de 310 000,00 € et des honoraires (une commission[1]) dus à l’agence à la charge du vendeur établie à 20 000,00 €
Le même jour :
Mandat de recherche par l’acquéreur potentiel avec une rémunération pour l’agent immobilier de 20 000,00 €. Le mandat indique qu’il s’agit de la recherche de la même maison !
Et dans un trait de raison, signature de l’avant contrat au prix de 270 000,00 € et bien entendu rémunération de l’agence pour 20 000,00 € à la charge de l’acquéreur.
Le vendeur n’accepte pas la vente (baisse du prix à recevoir).
Environ un an après, avant contrat en direct entre vendeur et acquéreur au prix de 280 000,00€.
L’agent immobilier assigne les acquéreurs et le vendeur en paiement de dommages intérêts.
LES ARGUMENTAIRES JURIDIQUES
Les juridictions du fonds ne donnent pas raison à l’agent immobilier prenant le raisonnement suivant : Il résulte de l’article 73 du décret du 20 juillet 1972 que l’agent immobilier qui reçoit le mandat prévu à l’article 72 ne peut demander, ni recevoir directement ou indirectement d’autre rémunération ou commission, de sorte que l’agent immobilier ne peut percevoir à la fois une rémunération du vendeur et de l’acquéreur.
Pour les premiers juges, les honoraires (la commission) dus par l’acquéreur excluent les honoraires (la commission) vendeur et inversement.
La cour rétablit le bon droit :
Aucune disposition des articles 6 de la loi Hoguet et 73 de son décret d’application ne faisant obstacle à ce qu’un agent immobilier détienne un mandat d’un vendeur et un mandat d’un acquéreur pour une même opération, le droit à honoraires (commission) existe pour chacun des mandats dès lors que sont satisfaites les exigences prescrites par les textes.
L’agent immobilier peut ici demander des dommages intérêts aux deux parties.
LA DECISION DE LA JURIDICTION
Nous ne sommes pas dans la nouveauté[2] mais c’est la force de la décision qui est importante.
Il s’agit d’un arrêt de cassation où le droit est dit !
De plus, les juges du fonds avaient retenu que « … la pratique consistant pour l’agent immobilier à établir d’une part, un mandat de vente comportant à la charge du vendeur l’obligation de lui verser une rémunération, puis d’autre part de faire signer aux acquéreurs un mandat de recherche portant précisément sur le bien proposé à la vente et fixant une rémunération de même montant, est une pratique déloyale de nature à permettre une double rémunération, pratique contraire aux dispositions de l’article 73 du décret du 20 juillet 1972 »
La qualification de « pratique déloyale » n’est par retenue par le juge du droit, qui, bien au contraire donne sa bénédiction juridiquement fondée à la double rémunération.
NEXICONSEIL :
La possibilité de double rémunération est donnée.
Mais il faut tout de même prendre des précautions :
- L’agent immobilier doit être titulaire d’un mandat donné par le vendeur.
- Il doit, en plus être titulaire d’un mandat de recherche donné par un acquéreur potentiel.
Au cas particulier, nous voyons mal comment l’agent immobilier puisse prétendre à recevoir des dommages intérêts sur un mandat donné par des personnes en recherche, un instant avant la signature du compromis et qui plus est, et comme par hasard, sur le bien qui sera l’objet de la vente, nommément désigné.
Où se trouve le préjudice ?
[1] La loi ALUR, en créant un article 6 – 1 au dispositif HOGUET parle d’honoraires et non de commission.
[2] CIV 1° 13 mai 1998, n° 96-17.374