CIV 3° 17 décembre 2014 n° 13 – 24597 (AJDI 2015, n° 4)
Intérêt pour l’agent immobilier :
Nous sommes dans le quotidien du travail de l’agent immobilier. Le vendeur qui enlève certains équipements est sanctionné par la RESOLUTION de la vente. La décision, d’une sévérité sans égale, est un bon exemple de ce qui est meuble (peut être retiré – sauf convention contraire) et immeuble (ce qui doit rester – sauf convention contraire).
FAITS
La situation est toute simple :
Compromis de vente entre un particulier et une société de marchands de biens sur une maison d’habitation au prix de 900 000,00 €.
L’acte stipule une interdiction rédigé de la manière suivante : « Le vendeur s’interdit pendant le temps qui précèdera la réitération par acte authentique d’apporter toute modification par rapport à leur état actuel et d’une manière générale s’oblige à les gérer en bon père de famille. Il s’interdit à ce titre de démonter et d’emporter tous éléments ayant la qualification d’immeubles par destination, notamment glaces scellées dans les murs, cheminées et leurs inserts, robinetterie, sanitaires (lavabo, baignoire, WC) ainsi que moquettes, douilles électriques, portes et poignées de porte. »
La maison vendue comportait une cuisine équipée et une salle de bains.
Pendant la durée du compromis, notre vendeur a procédé à divers « prélèvements » :
- Un meuble haut de la cuisine.
- Un miroir et un meuble dans la salle de bains au premier étage.
- A la salle de bains du rez de chaussée : un meuble haut et un miroir.
La société acquéreur a refusé de réitérer la vente chez le notaire.
La Cour d’appel lui a donné raison et la Cour de cassation a rejeté le pourvoi : la vente a été résolue ! Malgré la modicité des éventuelles remises en état à effectuer.
LA QUESTION POSEE A LA JURIDICTION
L’obligation de conservation ne s’applique qu’aux « immeubles par destination », soit :
« Les effets mobiliers scellés à plâtre ou à chaux ou à ciment ou lorsqu’ils ne peuvent être détachés sans être fracturés ou détériorés ou sans briser ou détériorer la partie du fons à laquelle ils sont attachés. »
Le vendeur a fait procéder à des travaux de remise en état : simples peintures.
La juridiction d’appel a classé et qualifié les « prélèvements » :
Le meuble de cuisine : fixé au mur par des chevilles et non scellé, la remise en état du mur qui le supportait n’a consisté qu’en une reprise de la peinture – PAS DE PROBLEME, car le support n’a pas été détérioré (au sens des articles 524 et 525 du Code civil).
Les retraits effectués dans la salle de bains du haut ne posent pas de problème non plus. Par contre, le retrait du miroir et du meuble haut de la salle de bains du rez de chaussée a impliqué des trous apparents dans le carrelage. Ce dernier doit être remplacé en totalité (pas de pièces de rechange).
Le vendeur a-t-il commis une faute contractuelle en retirant ces deux derniers éléments ? Ladite faute entraîne-t- elle la résolution de la vente ?
LA DECISION DE LA JURIDICTION
La Cour de cassation donne une réponse positive aux deux questions et CONFIRME LA RESOLUTION DE LA VENTE, quelque soit l’adéquation entre le coût d’une reprise de la salle de bains et le prix de vente.
Pourquoi ? La dépose de l’élément haut et du miroir ont abîmé le carrelage. Ce dernier, scellé à plâtre (colle à carrelage) est un immeuble. Or donc, ledit élément haut et le miroir, ne pouvant pas être retirés sans porter à atteinte au carrelage (immeuble) sont immeubles par destination : ils doivent donc rester.
Décision sévère pour notre vendeur, mais d’une logique juridique sans contestation possible.
NEXICONSEIL :
Faire très attention, dès le mandat de vente, à l’établissement de la consistance des biens vendus. Le bâtiment ne pose pas de problème (ossature, clos, couvert, cloisons etc…). Pour le reste, l’agent immobilier ne se contentera pas de la clause universelle : les immeubles par destination doivent rester. Pour des éléments marginaux (équipements, décors etc…), il faudra stipuler ce qui reste et ce qui ne reste pas (photos contresignées à l’appui).
Attention également au raisonnement « c’est pas grave, car ce n’est pas cher » : ici la Cour de cassation a confirmé la résolution d’une vente pour quelques carreaux cassés ! et l’argumentaire du vendeur n’y a rien fait …
N’oublions pas que la perception des honoraires de l’agent immobilier est en jeu !!