Les acquéreurs insatisfaits sont de plus en plus déterminés à faire valoir leur prétention en justice sur les sujets d’annulation de la vente pour vices cachés, délivrance non conforme, vice du consentement, erreur ou encore dol.
L’acquéreur avisé par lui-même sur la situation des biens immobiliers peut-il se prévaloir de manœuvres dolosives de son vendeur et commettre une erreur excusable ?
Principe retenu :
Doit être cassé l’arrêt qui retient la réticence dolosive des vendeurs et annule la vente au motif qu’il a omis d’informer l’acquéreur que l’immeuble est classé en zone non constructible. En statuant ainsi, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations faisant ressortir la connaissance par l’acquéreur de l’information prétendument dissimulée, a violé l’article 1116 du Code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
Questionnement de l’agent immobilier :
Quelle est la force de la stipulation dans l’acte «…l’acquéreur déclare bien connaître parfaitement le bien et avoir pris lui-même auprès des services compétents tous renseignements concernant les règles d’urbanisme s’y appliquant… »
Clause de style ou véritable déclaration excluant tout dol alors que la constructibilité du bien vendu avait été tue ?
Ce qui s’est passé ?
- 28 janvier 2008 : compromis de vente portant sur un chalet à usage d’habitation, d’un terrain et d’un étang.
- 18 mars 2008 : acte authentique
- 28 novembre 2017 : délivrance d’un certificat d’urbanisme – le chalet est en zone non constructible
- 28 juin et 2 juillet 2018 : assignation en annulation de la vente de 2008 – il est reproché aux vendeurs de l’époque d’avoir dissimulé la situation administrative du chalet et au notaire de ne pas avoir vérifié.
- Première instance : résolution de la vente et condamnation du notaire
Appel : confirmation du jugement de première instance
Cassation et renvoi : l’acquéreur a déclaré avoir fait les recherches sur la situation urbanistique du bien.
Ce qui a été jugé :
Rappel de l’article 1116 ancien du Code civil : « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres prédiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé ».
Les vendeurs avaient en fait demandé et obtenu l’autorisation de construire un abri de pêche (le cabanon), précision faite que la construction ne pourra même occasionnellement servir à l’habitation.
Les vendeurs savaient que la constructibilité était limitée à un simple cabanon de pêche et ne pouvait pas servir à l’habitation. Et pourtant il avait été équipé et utilisé à l’habitation.
C’est ce qui a été confirmé lors de la délivrance du certificat d’urbanisme : zone non constructible.
Observation : les travaux ayant plus de dix ans, il n’y avait aucun risque de démolition de l’ouvrage.
Or donc, pour les premiers juges « cette dissimulation volontaire constitue une réticence dolosive de la part des vendeurs, qui connaissaient le caractère déterminant de cette information pour l’acquéreur puisqu’elle portait sur une caractéristique essentielle du bien vendu.
Quand bien même l’acquéreur aurait déclaré, dans l’acte de vente, connaître le bien, l’erreur provoquée par la réticence dolosive et toujours excusable et il ne peut lui être reproché de ne pas avoir recherché la situation administrative de l’immeuble que les vendeurs lui ont sciemment cachée. »
Or donc, le dol des vendeurs est caractérisé.
Et la faute du notaire, qui aurait dû vérifier a été engagée.
Dispositif de la Cour de cassation :
La Cour de cassation ne suit pas et considère que la déclaration dans l’acte de vente avait bien force contractuelle, les actes ne sont donc plus annulés.
La décision est rassurante sur l’efficacité des clauses de dispense.
Oui, mais…
Il ne faut pas conclure trop hâtivement que les clauses dispensant le notaire de requérir certaines informations et de décharge de responsabilité exonèrent totalement le rédacteur d’acte et le négociateur de toute responsabilité.
En fait, la cour donne à la déclaration une force juridique, mais la suite de l’affaire, qui sera rejugée par la Cour de renvoi n’est pas encore connue.
Solution :
Il faut privilégier les clauses circonstanciées sur la situation des biens :
- Le vendeur doit pouvoir ancrer son devoir d’information
- L’acquéreur devra établir sa connaissance d’une situation précise
Nous avons un équilibre à trouver :
- L’information claire sur les contraintes, imperfections, défauts affectant les biens immobiliers
- La préservation du titre de propriété de l’acquéreur.
Oui mais, des mentions trop nombreuses sont de nature à déprécier la qualité du titre de propriété, avec toutes les conséquences sur les actes subséquents ou complémentaires.
Conséquences pour l’agent immobilier :
Toujours privilégier l’audit juridique du bien à vendre et veiller à la conservation de donnée collectées.
Sources : Légifrance : Cass 3°, 4 juillet 2024 n° 23-11532 F-D
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