Le propriétaire a été jugé responsable du préjudice subi par la locataire qui ne lui avait pourtant pas laissé entrer dans le logement pour réparer la fuite, comme le prévoit la loi.
Les relations entre un propriétaire et un locataire peuvent être tendues. Surtout s’ils ont été en couple et sont désormais séparés. Cette histoire en est la preuve. Le 30 décembre 2020, la locataire assigne le propriétaire et l’agent chargé de la gestion de l’appartement. Elle leur réclame 3000 euros, en réparation du «trouble de jouissance» qu’elle estime avoir subi, entre avril et décembre 2020.
Pour rappel, un propriétaire doit «remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé» et «d’assurer au locataire la jouissance paisible du logement» (article 6 de la loi du 6 juillet 1989).
La raison du litige? La locataire reproche au propriétaire d’avoir trop tardé avant de changer le ballon d’eau chaude qui a fui et de remplacer la moquette, endommagée. La réponse du bailleur est inattendue: il accuse la locataire, qui n’est autre que son ancienne compagne dont il est séparé, de le harceler. Le 24 mars 2020, il affirme avoir été informé par l’agence, qui gère l’appartement loué, qu’une fuite sur le ballon d’eau chaude avait été signalée par son ex. Trois jours plus tard, le propriétaire en achète un autre et demande, par mail, à son ancienne compagne l’autorisation de venir l’installer afin de réparer la fuite. Elle refuse. Pourtant, la loi l’oblige à «permettre l’accès aux lieux loués pour réparer et exécuter des travaux d’amélioration des parties privatives» (article 7 de la loi du 6 juillet 1989).
1000 euros d’amende
Rebondissement le 2 avril. La locataire prévient l’agence que le ballon vient de «lâcher», selon le récit du propriétaire fait au tribunal judiciaire de Mantes-la-Jolie (78). Selon l’agence, ses enfants auraient déclaré à la police, alertée par les cris de la locataire, que leur mère avait «fait exprès de ne pas vider la bassine placée sous le ballon, pour qu’elle déborde». Les services d’hygiène de la mairie demandent à la locataire de laisser le propriétaire remplacer le ballon d’eau chaude. Nouveau refus. C’est finalement un plombier qui s’en charge, le 6 avril 2020. Sur la facture, le professionnel précise avoir dû au préalable «faire la purge intégrale» du précédent ballon. Le propriétaire en conclut que ce dernier n’a pas lâché et que la fuite a été volontairement provoquée.
Le 22 octobre 2021, soit un an et demi plus tard, le tribunal donne raison au propriétaire et juge la locataire responsable de la fuite. Mais cette dernière fait appel et c’est elle, cette fois-ci, qui obtient gain de cause. La cour d’appel a jugé qu’«un sinistre dégât des eaux est survenu dans l’appartement, […], même si les parties sont en désaccord sur la nature du désordre affectant le ballon, (la locataire) prétendant que celui-ci a lâché, alors que (le propriétaire) estime qu’il était simplement fuyard», dans une décision rendue le 30 mai dernier.
La cour estime que «ce désordre caractérise un manquement du bailleur à son obligation de résultat d’assurer à ses locataires une jouissance paisible des lieux donnés à bail» dont il «ne peut s’exonérer au prétexte qu’il n’a pas commis de faute». En conséquence, le propriétaire a été condamné à indemniser son ancienne compagne mais de seulement 1000 euros. Le juge a en effet considéré que la locataire «a contribué à la persistance dans le temps» du trouble de jouissance, «du fait de son refus de laisser (le propriétaire) accéder à l’appartement» mais aussi que «l’intensité du trouble de jouissance n’affecte que de manière très partielle l’appartement».
Source : Cour de cassation
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