CIV 3° 4 février 2016, n° 15 – 11 140 FS-P+B
INTÉRÊT POUR L’AGENT IMMOBILIER :
Nous savons que l’acquéreur d’un terrain à bâtir ne bénéficie pas du droit de rétractation.
Mais qu’en est il de l’acquéreur qui conditionne son achat à l’obtention d’un permis de construire : il n’achète pas un terrain, mais le support de sa future maison – droit de rétractation ou pas.
La question est d’importance, car d’un côté, il ne faut pas louper le droit de l’acquéreur (responsabilité vis-à-vis de l’acquéreur) et de l’autre, il ne faut pas ouvrir un droit qui n’existerait pas (responsabilité vis-à-vis du vendeur).
FAITS
Signature d’une promesse unilatérale de vente portant sur un terrain à bâtir.
La promesse a été conclue sous la condition suspensive de l’obtention par les acquéreurs d’un permis de construire permettant la construction d’une maison à usage d’habitation.
La vente n’a pas été réalisée, et les acquéreurs n’ont donné aucune justification sur l’obtention ou non du permis de construire (dépôt de la demande, décision ?)
La société vendeur a assigné les acquéreurs en paiement de l’indemnité d’immobilisation ;
Les acquéreurs ont soutenu que la promesse unilatérale de vente était nulle : elle n’a pas été notifiée et leur droit de rétractation n’a jamais commencé à courir (art L 271-1 du CCH)
La Cour d’appel de PARIS a fait droit à cette demande et a prononcé la nullité de la promesse unilatérale de vente.
DÉCISION
Raisonnement du juge du fond :
La stipulation d’une condition suspensive relative à l’obtention d’un permis de construire en vue de la construction d’une maison d’habitation IMPLIQUE la volonté des époux acquéreurs de construire une maison d’habitation.
Donc, les époux acquéreurs, non professionnels, doivent bénéficier de la rétractation ouverte par l’article L 271 – 1 du CCH
C’est un peu logique : l’opération maison + construction + emprunt établi un ensemble contractuel complet dont la finalité est la construction d’un logement.
Cassation :
« Attendu que, pour déclarer nulle la promesse unilatérale, l’arrêt retient que la volonté des acquéreurs de construire une maison à usage d’habitation était certaine lors de la conclusion de la promesse et était entrée dans le champ contractuel et qu’il se déduit de ces éléments que le droit de rétractation prévu par les dispositions légales était applicable ;
« Qu’en statuant ainsi, alors que la promesse ne portait que sur la vente d’un terrain à bâtir et que la faculté de rétractation prévue par l’article L 271 – 1 … ne concerne que les actes ayant pour objet la construction et l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation, la cour d’appel a violé le texte ci-dessus visé. »
NEXICONSEIL :
Cette décision laisse le professionnel sur sa faim !
Reprenons le texte de l’article L 271 – 1 du CCH : « … pour tout acte ayant pour objet la construction ou l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation, la souscription de parts donnant vocation à l’attribution en jouissance ou en propriété d’immeuble d’habitation, ou la vente d’immeubles à construire, ou de location-accession à la propriété immobilière, l’acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de 10 jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l’acte ».
L’arrêt tranche le débat sur la prise en compte de l’intention future de l’acquéreur quant à l’utilisation du terrain à bâtir.
Ici l’avant contrat portant sur le terrain à bâtir n’entrerait pas dans le champ contractuel de l’édification d’une maison à usage d’habitation faite par un non professionnel, et ce quand bien même l’intention est contractualisée !
L’acquéreur est tout de même protégé :
Délai de réflexion loi Scrivner II pour le prêt
Délai de rétractation article L 442-8 du code de l’urbanisme en matière de lotissement
Attention : ne pourrait on pas considérer que l’élément déterminant conditionnant l’application du délai de rétraction tiendrait à la destination du bien telle qu’elle existe au jour de la conclusion de l’avant contrat (qualités intrinsèques du bien), sans la prise en compte des intentions de l’acquéreur quant à l’usage futur du bien immobilier ?
* Vente d’un terrain dont la constructibilité n’est pas assurée : pas de délai de rétractation
* Vente d’un terrain dont la constructibilité est assurée : délai de rétractation.