CIV 3e – 21 janv. 2016, n° 15-10.566
INTÉRÊT POUR L’AGENT IMMOBILIER :
La constitution du dossier de vente et la rédaction du compromis pour un bien situé dans un lotissement autorisé depuis plus de dix ans.
PRINCIPES :
Nous savons que l’article L 442 – 9 du code de l’urbanisme dispose que
Alinéa 1 : « Les règles d’urbanisme contenues dans les documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s’il a été approuvé ou les clauses de nature règlementaire du cahier des charges s’il n’a pas été approuvé, deviennent caduques au terme de dix années à compter de la délivrance de l’autorisation de lotir si, à cette date, le lotissement est couvert par un plan local d’urbanisme ou un document d’urbanisme en tenant lieu »
Alinéa 3 : « Les dispositions du présent article ne remettent pas en cause les droits et obligations régissant les rapports entre colotis définis dans le cahier des charges du lotissement, ni le mode de gestion des parties communes. »
Au-delà d’un délai de 10 ans, les règles d’urbanisme contenues dans :
– Le règlement du lotissement
– Le cahier des charges approuvé ou les clauses de nature règlementaires du cahier des charges non approuvé
Sont caduques, s’il existe un plan local d’urbanisme (PLU)
La règle semble simple : une maison vendue dans un lotissement de plus de 10 ans ne serait pas concernée par les documents d’urbanisme
Il est de jurisprudence constante que les règles de droit privé contenues dans les documents d’urbanisme restent actives.
Que neni…
FAITS
Construction d’une extension d’un bâtiment en lotissement dont l’article 15 du cahier des charges du 19 août 1926 (pas d’erreur, c’est la bonne date) excluait toute construction au sol d’une superficie dépassant 250 m² quelle que soit sa nature ou la surface du lot ou terrain sur lequel elle était implantée.
Condamnation en référé du co-loti à démolir sous astreinte, et pourtant il s’agit d’une règle d’urbanisme…
Le co-loti avait pourtant un permis de construire valable.
DECISION
L’arrêt confirme que le cahier des charges des lotissements conserve une valeur contractuelle. Il confirme aussi que toutes les clauses ont cette valeur et que les violer peut justifier la démolition sous astreinte.
De plus, peuvent être jugées avoir valeur contractuelle les clauses qui « ressemblent » à des règles d’urbanisme ou sont formulées comme les normes réglementaires que l’on peut lire ou déduire d’un plan local d’urbanisme. La clause sanctionnée en l’espèce excluait toute construction au sol d’une superficie dépassant 250 m2, ce qui ressemble assez à un coefficient d’emprise au sol (CES).
Enfin, l’arrêt dispense les juges du fond d’être tentés par une double qualification de la règle : « il n’y avait pas lieu à question préjudicielle », ce qui signifie qu’à supposer même que la clause litigieuse puisse être qualifiée de « règle d’urbanisme » ou de « clause de nature réglementaire » par le juge administratif, le juge judiciaire peut l’appliquer en tant que contrat entre les co-lotis, sans être tenu d’en appeler à l’arbitrage de son homologue de droit public
Attention, ici c’est le document lui-même qui a une valeur contractuelle, quelque soit le contenu : stipulée dans certains cahiers des charges, la clause a valeur contractuelle dès lors que le cahier qui la contient est lui-même un document contractuel. Le contenant prime le contenu.
NEXICONSEIL :
En matière de lotissement, nous avons deux types de documents normatifs :
Le règlement, qui contient les règles générales d’urbanisme.
Le cahier des charges qui contient les règles relationnelles entre colotis, qui contiendrait un système de « servitudes » de droit privé.
Sauf que la différence n’est pas si simple : de nombreux documents confondent les deux types de réglementation.
A la lumière de cette décision, il faut absolument se procurer et joindre à l’avant contrat le cahier des charges du lotissement, qu’il ait ou non plus de dix ans.
Que dire du règlement ? Il peut, et cela s’est vu, contenir des règles de droit privé (servitude de passage ou d’accès, interdiction de circuler en voiture etc…). Ces règles ne sont pas incorporables dans le plan local d’urbanisme. Elle sont donc conservées comme faisant partie du rapport contractuel entre les colotis.
Il faudra donc fournir à l’acquéreur un document complet sur le lotissement.