CIV 3° 28 janvier 2015 FS-P+B+R+I
Intérêt pour l’agent immobilier :
Nous étions tous certains que le propriétaire d’un bien pouvait consentir, sous réserve des règles d’ordre public, un droit réel conférant le bénéfice d’une jouissance spéciale de son bien.
On pouvait, par la technique du démembrement, créer, sur sa propriété tel droit réel immobilier et perpétuel de son choix et le céder, le donner etc… La Cour de cassation en a décidé autrement : le droit de jouissance spéciale de son bien ne peut pas avoir un caractère perpétuel et sa durée est règlementée par les règles établies en matière d’usufruit :
La durée de la vie du disposant (vendeur, donateur etc…)
Pas plus de 30 ans si le bénéficiaire est une personne morale.
Que va-t-on faire, par exemple, des droits de jouissance spéciale sur une partie commune d’un immeuble en copropriété ?
En d’autres termes, nous avons un appartement avec le droit d’accès exclusif à une terrasse formant une partie commune ou la jouissance privative d’un jardin dont le sol reste partie commune, pouvons nous le vendre et si oui, dans quelles conditions ?
Le célèbre arrêt du 31 décembre 2012 (affaire Maison de Poésie) et son arrêt de renvoi avaient bien confirmé la possibilité de créer un droit réel immobilier de jouissance perpétuel sur son patrimoine.
La cour de cassation remet en cause cette possibilité, laissant tout les professionnels de l’immobilier dans l’incertitude.
FAITS :
Affaire « Maison de Poésie » :
C’est ce qui ressortait de l’affaire « Maison de Poésie » (31 octobre 2012 n° 14 – 10013 FS – P + B + R + I) et de sa confirmation par l’arrêt de renvoi (PARIS 1° ch 18 septembre 2014 n° 12/21592.
Dans cette espèce, une fondation « Maison de Poésie » avait vendu à la « Société des Auteurs Compositeurs Dramatiques » un immeuble, avec réserve de la « jouissance perpétuelle et personnelle d’une partie du bâtiment vendu ».
En d’autres termes il avait été jugé que tant que la fondation vendeur existe, elle a droit à la jouissance de la partie d’immeuble considéré, au lieu de bénéficier d’un usufruit (ou d’un droit d’usage) limité à 30 années.
Le droit d’usage qui avait été réservé était donc totalement indépendant d’un usufruit et pouvait éventuellement être perpétuel.
Affaire ERDF (notre décision)
Par acte notarié, un syndicat de copropriétaire a vendu à ERDF le droit d’usage spécial d’un lot, pour y installer un transformateur électrique (prix de la transaction 3 300,00 Francs).
En d’autres termes, tant que l’usage du lot restait le support d’un transformateur, le droit existait. Dès d’ERDF (ses ayants droits ou ayants cause) cessent l’exploitation et retirent l’appareil, le droit n’existe plus.
En première et deuxième instance, il a été décidé que :
Ni le règlement de copropriété | N’avaient fixé de durée au droit d’usage convenu : il était donc perpétuel |
Ni l’acte d’achat |
Le tout conformément au raisonnement « Maison de Poésie »
La cour a décidé autrement : « Lorsque le propriétaire consent un droit réel, conférant le bénéfice d’une jouissance spéciale de son bien, CE DROIT, s’il n’est pas limité dans le temps par la volonté des parties, NE PEUT ETRE PERPETUEL et s’éteint dans les conditions prévues aux articles 619 et 625 du Code civil »
NEXINCERTITUDE:
Une personne est titulaire d’un droit spécial de jouissance d’un partie commune dans une copropriété (la terrasse, le jardinet etc…).
Situation banale et qui ne posait aucun problème : Mais c’était avant !
Pas de réponse pour l’instant : le titre est incertain, et le droit d’utiliser sera limité par le décès (la dissolution) du vendeur (ou de la société promoteur).
Le tout limité à 30 ans si le bénéficiaire est une personne morale.